**Les Étincelles de la Revanche dans une Maison Tranquille**
Le crépuscule tombe doucement sur la petite ville de Chartres, teintant les rues de nuances gris-bleutées. Théo rentre du travail, fatigué mais satisfait. Dans l’entrée, sa femme, Élodie, l’accueille avec un sourire chaleureux et l’odeur alléchante des steaks encore chauds.
— Salut, tu dînes ? Les steaks viennent de sortir, dit-elle en ajustant son tablier.
— Bien sûr, répond Théo en enlevant ses chaussures. Il sort une clé de sa poche et la pose négligemment sur la commode.
Élodie remarque la clé inconnue et, plissant les yeux, demande :
— D’où vient celle-là ?
— Maman est partie en cure thermale pour trois semaines, explique Théo en s’étirant. Elle m’a laissé les clés pour surveiller son appartement.
Soudain, les yeux d’Élodie brillent d’une lueur malicieuse, presque féroce. Elle frappe dans ses mains et s’exclame :
— Enfin ! Maintenant, je vais lui montrer !
Théo se fige, ne comprenant pas. Sa femme, d’ordinaire si calme, semble nourrir un projet grandiose.
— De quoi tu parles ? Lui montrer quoi ? demande-t-il, sentant une légère crispation.
Élodie sourit mystérieusement, mais son regard est si déterminé qu’un frisson parcourt le dos de Théo.
Il y a quelques semaines, leur vie avait basculé. De retour d’un week-end chez les parents d’Élodie, ils avaient découvert leur appartement méconnaissable. Le papier peint du couloir, choisi avec tant de soin, avait été remplacé par un motif orange vif à fleurs imposantes. Les meubles du salon et de la chambre étaient déplacés : l’armoire trônait au milieu de la pièce, et le lit tourné vers la fenêtre, détruisant tout le confort.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’écrie Élodie, laissant tomber son sac à peine entrée.
Théo regarde par-dessus son épaule, essayant de digérer la scène. Son cœur se serre d’indignation.
— Qui a fait ça ? la voix d’Élodie tremble de colère. Ce n’est plus chez nous !
— Calme-toi, pose Théo une main sur son épaule. On va régler ça.
Mais plus ils inspectent l’appartement, plus leur irritation grandit. Le canapé du salon a été rapproché de la fenêtre, la télévision est coincée dans un coin. Dans la chambre, la commode est adossée au mur où se trouvait le miroir. Le chaos est évident—et la coupable aussi : la mère de Théo, Sylvie.
Un mois plus tôt, Sylvie avait entrepris une « inspection » de leur appartement. Dès le seuil, elle avait tout critiqué : du papier peint à l’agencement des meubles.
— Votre papier peint est si fade, on dirait un hôpital ! avait-elle déclaré en secouant la tête. Il faut des couleurs vives, plus gaies !
— Ça nous plaît comme ça, avait répondu Élodie avec retenue.
— Non, c’est inadmissible ! Dans cette ambiance, vous allez attraper la déprime ! avait-elle continué. Et les meubles sont mal placés ! L’armoire doit être dans l’angle, pas au milieu de la pièce ! Et le lit n’est pas à sa place.
Élodie avait voulu protester, mais le regard de Théo l’avait arrêtée. Il savait que discuter avec sa mère était inutile. Sylvie était finalement partie, laissant derrière elle une atmosphère pesante.
Puis, ils avaient dû partir pour un mariage en famille. Leur chat, Minou, ne pouvant rester seul, Théo avait proposé de demander à sa mère de s’en occuper. Élodie s’y était opposée :
— Tu veux lui donner les clés ? Elle va encore tout décider !
Mais ils n’avaient pas le choix. À contrecoup, Élodie avait accepté, expliquant en détail à Sylvie comment s’occuper du chat. Chaque jour, elle appelait pour vérifier. Sylvie répondait sèchement : « Tout va bien »—avant de raccrocher rapidement. Cela aurait dû l’alerter.
À leur retour, ils avaient compris : Sylvie n’avait pas seulement gardé le chat. Elle avait transformé leur appartement.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Élodie, épuisée, en contemplant le nouveau papier peint et les meubles déplacés.
— On remet tout en place, soupira Théo. Ça va prendre du temps et de l’argent. Je vais appeler maman et lui dire les choses franchement.
Élodie essuya une larme. Puis un sourire rusé illumina son visage.
— Non, dit-elle fermement. J’ai une meilleure idée. Ta mère part bien en cure thermale, non ?
Théo acquiesça, ne comprenant pas où elle voulait en venir. Élodie cligna simplement des yeux.
Quand Sylvie partit, laissant les clés, Élodie rayonnait d’anticipation.
— Enfin, je vais lui montrer ! s’exclama-t-elle en faisant tinter les clés.
Théo, bien que sceptique, accepta de soutenir sa femme.
Pendant trois week-ends, ils se rendirent chez Sylvie. Pendant qu’elle se reposait, son intérieur changeait. Élodie repeignit avec plaisir les murs en bleu pâle à motifs discrets, l’opposé exact des couleurs vives que Sylvie adorait. Théo déplaça les meubles : l’armoire migra à l’entrée, les étagères du salon furent remplacées. Ils ajoutèrent même quelques coussins décoratifs—« pour plus de confort. »
Au retour de Sylvie, son cri résonna au téléphone :
— Qu’est-ce que vous avez fait ? Où est mon papier peint préféré ? Qui vous a permis de tout changer ?
Théo répondit calmement :
— On a pensé qu’un cadre plus calme te conviendrait mieux. À ton âge, les couleurs vives fatiguent.
— C’est une blague ? s’indigna Sylvie. Vous n’aviez pas le droit ! Remettez tout comme avant !
— Et toi, pourquoi as-tu cru que tes changements nous plairaient ? répliqua Théo sèchement.
Un silence suivit.
— Ce n’est pas pareil ! finit par dire Sylvie, la voix tremblante. Je voulais bien faire !
— Notre appartement, nos règles, affirma Théo. Si tu ne veux pas que ton buffet se retrouve dans l’ascenseur, ne t’immisce plus dans nos affaires.
Sylvie se tut. Cette conversation lui servit de leçon. Depuis, elle ne s’ingéra plus dans leur vie. Et Élodie sentit enfin que leur maison leur appartenait à nouveau.
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